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Délicate et saine

Journal d'une reconversion professionnelle. Ou comment passer de Directeur Travaux à Charcutier Traiteur.

Journée Médocaine

Photo: Guillaume Seigue

Photo: Guillaume Seigue

Cette journée a vu le jour, quand trois semaines avant, mon ami Vincent me propose de participer à une journée avec des blogueurs et des journalistes au Château Pedesclaux à Pauillac.

J'étais alors à mille lieux d'imaginer quelle journée m'attendait.

Vincent me demande de réfléchir comment proposer aux convives dans mes productions, un morceau d'histoire du médoc en utilisant les vins du Château Pedesclaux.

Nous échangeons quelques mails et très vite nos idées convergent. Il ne me reste plus qu'à travailler au labo pour que l'imaginaire devienne saveurs.

La journée commencera très tôt car je dois me rendre à 7h à St Vivien (tout au nord du Médoc) à la Ferme Aquacole de La Petite Canau pour venir chercher les fameuses huitres de claires du Médoc. Les supers spéciales n°4 teintées d'un bleu profond par la navicule bleue si difficile a maitriser.

Le temps pour moi de déguster en compagnie de M. Lucet le maître des lieux. Il m'explique l'importance des éléments qui font la qualité de l'estuaire de la Gironde: les sédiments, les marées, la température...

Pas trop le temps de m'éterniser, je dois être à Pauillac à 8h pour préparer avant que les invités arrivent. Le plus court chemin pour rejoindre Pauillac depuis St Vivien, reste encore la D2. La fameuse route des châteaux me direz-vous? Oui mais en l'occurrence la plus belle partie selon moi. La plus sauvage. Celle que peu emprunte mais qui offre les plus beaux points de vues.

Arrivée en avance au château, pas le temps de trainer. Il faut trancher greniers médocains et magrets séchés. Le ciel déjà chargé depuis l'aube, se fait de plus en plus menaçant. Vincent avait déjà anticipé la veille et notre repas champêtre en plein air, aura finalement lieu au Château Lilian Ladouys (autre propriété de Jacky Lorenzetti) tout proche. J'y fais un saut pour déposer la partie solide de nos agapes et ouvrir les huitres puis je reviens sur Pedesclaux, le coeur léger avec la certitude que nous ne mourrons pas de faim car Vincent était chargé des achats de viande... J'ai pu constater que nous ne manquerons de rien (à suivre).

Me voilà de retour au Château Pedesclaux où je m'installe dans le salon avec un café de bon aloi.

En toute convivialité, chacun arrive, prend place et prend part aux discussions engagées. Tout le monde se connait plus ou moins. La blogosphère est un microcosme. Je retrouve des visages connus et Vincent, par la narration des histoires des proches demeures des lieux, donne le ton de cette journée qui sera généreuse et décontracte.

Tout le monde est là, il est temps pour nous de commencer la visite des lieux.

Dehors le temps s'est considérablement dégradé, heureusement, nous sommes en de bonnes mains et sitôt dehors, Agathe et Luc nous tendent un parapluie aux couleurs du château. 

Vincent nous explique l'histoire de cru d'hier à aujourd'hui, sa topographie et son implantation (vous êtes là en face de Mouton Rotschild, Pontet Canet et surplombant Lafite Rotschild). Perché sur une croupe aux calcaires affleurants, il y a tout pour faire un grand vin. Il fallait pour cela se doter d'un outil de travail à la hauteur du vin que les propriétaires souhaitent faire. Outre les travaux du château et à la vigne, les grands travaux furent ceux du chai.

Ce chai est rempli de bon sens. Le soucis premier est de pouvoir intégrer celui-ci dans son terroir sans en chambouler l'ensemble. C'est donc en profitant du dénivelé qu'il peut proposer 4 niveaux et ainsi permettre un travail tout gravitaire qui devient possible avec pas moins de deux ascenseurs "cuves" et un ascenseur "monte charge". 

La vendange (en cagettes) est acheminée au niveau 0 pour un stockage en chambre froide afin de refroidir les baies et d'effectuer une macération pré-fermentaire. Puis elle est acheminé par le monte-charge vers le niveau R+2 (au-dessus des cuves) où se trouvent fouloirs et tables de tries.

Les raisins tombent ensuite dans des cuves tronconiques à deux compartiments. Le chapeau sera plusieurs fois réimmergé mécaniquement pour une extraction optimale (pas de pigeage). Les remontages s'effectuent par gravitation via les ascenseurs "cuves" et les deux compartiments permettent le décuvage sans perturber le vin.

Le chai à barrique étant situé en dessous du cuvier, le vin transite par gravité jusqu'aux barriques. Pour les soutirages là encore, le même principe de gravité est utilisé pour que le vin ne soit jamais "traumatisé" par une pompe tout au long de sa vie.

Le niveau -1 est pour sa part réservé au caveau où siègent les vieux millésimes.

Nous remontons après une heure d'échanges passionnants avec Vincent pour revenir au château pour la dégustation.

Nous dégusterons une verticale de Pédesclaux de 2009 à 2016 ainsi que Fleur de Pédesclaux 2016 et Lilian Ladouys 2016.

L’occasion de mieux comprendre le terroir avec les regroupements effectués depuis l’acquisition, le style que recherche l’équipe pour créer la nouvelle identité de ce cru en renouveau et l’impact du nouveau chai et des nouvelles pratiques sur le vin.

 

L’heure tourne et nous ne sommes pas en avance sur le timing.  La faute à la richesse des échanges que la dégustation fait naitre.

 

Nous partons du Château Pédesclaux pour regagner le Château Lilian Ladouys. Sur place, la salle à manger est préparée pour notre réception. C’est donc dans un cadre cosy et chatelain que nous allons passer une bonne partie de l’après-midi. Nous nous installons en toute décontraction au salon et nous partageons une coupe de champagne Bollinger spéciale cuvée. Pour l’accompagner, mes magrets séchés, marinés au vin de Pédesclaux et fumés au bois de barrique, font leur entrée. 

 

Photo Anne Quimbre.

 

J’explique alors la technique et l’histoire de cette charcuterie unique que j’ai développé avec la complicité de Vincent. Un sceau à champagne rempli de copeaux de douelles servant au fumage, circule et suscite la curiosité des convives. C’est une première pour les magrets et visiblement, ça plait. 

 

Nous passons ensuite à la salle à manger pour prendre place autour de la grande table, dressée pour l’occasion.

 

Pour accompagner les huitres, deux vins blancs médocains nous sont servis : Les Cygnes de Fonréaud 2013 (un des rares blanc médocain à avoir du sens selon moi) et Domaine du Retout 2014 (un vin unique de par son encépagement hors norme qui le classe en vin de table pour le coup).

 

Les moins « huitrophyles » d’entre nous patienterons avec mes rillettes de porc aux cèpes du médoc.

 

Photo: André Fuster.

 

 

A ce moment précis du repas, c’est le moment de recevoir le 14ème vin qui nous est servi pour accompagner mes greniers médocains aux baraganes. Ce vin sera Lilian Ladouys 2010. Un vin dont la structure impressionnante permet un bel accord avec mes greniers médocains aux baraganes.

 

Nous n’en sommes qu’aux entrées et je n’ai plus faim. Heureusement, j’ai une volonté de fer et une condition physique irréprochable. Et il en faut car le plat d’après sera à l’image de cette journée : GARGANTUESQUE !!!!

 

Côte de bœuf gras de Bazas.

Photo: Guy Charneau.

 

Ca ne se voit pas forcément à l’écran mais chaque côte mesure environ 45 cm de long et 7 cm d’épaisseur. On reconnait bien le sens de la démesure de Vincent et de sa générosité sans limite.

 

Pour être absolument certain que personne ne soit en reste, pas moins de 5 kg de côtelettes d’agneau de Pauillac feront l’appoint. Gargantuesque je vous disais.

 

Un gratin Dauphinois et un Lilian Ladouys 2014 pour accompagner le tout et nous voilà fin prêt à tutoyer le nirvana.

 

L’ambiance est bon enfant. Chacun se sent comme en famille, profitant de générosité sans fin de nos hôtes. Le tout en toute décontraction. On est loin, très loin, à des années lumière même, des visites protocolaires et insipides que l’on peut faire dans le Bordelais.

 

 

 

Lilian Ladouys 2012 accompagnera le plateau de fromage. Une salade de fruits, un café, un (ou plus d’ailleurs) cannelé et un excellent Cognac Bache-Gabrielsen Hors d’Age grande Champagne plus tard, nous profitons d’un ciel dégagé pour rejoindre le carrelet du maitre des lieux.

 

 

Les uns pêchant les crevettes à la balance, les autres pêchant au carrelet pendant que le reste des troupes joue à la pétanque sur la berge, nous prolongeons cette magnifique journée d’échange, de partage et de bonne humeur dans le cadre l’estuaire de la Gironde. 

 

Il est des journées qu’il est précieux de vivre pour la magie que la gastronomie et le vin font naitre. Il faut pour cela de la simplicité et de la générosité.

 

Assis là, sur ce banc en bois suspendu au-dessus de l’eau, bercé par le bruit des clapots et le vent de l’estuaire, je pris le temps d’apprécier ce moment unique.

 

Je suis rentré plus tard chez moi en sillonnant la D2 sur la partie la plus connue. Celle qui traverse Pauillac, St Julien et Margaux. La vitre ouverte, en palpant l’air frais du soir entre mes doigts avec un sourire de plénitude largement dessiné sur mon visage. Une petite larme d’émotion et de fierté chatouillant la commissure de mes yeux, je savourais ma chance.

 

Celle que j’ai saisi il y a un an en quittant une vie devenue folle et trop étroite. Je ne suis ni fou, ni libre penseur mais j’ai fait des choix et j’en suis fier.

 

Je remercie mon ami Vincent de m’avoir permis de vivre avec lui, cette belle journée et de m’avoir permis de présenter mes produits à un public de connaisseurs.

 

Longue vie aux Chateaux Pédesclaux et Lilian Ladouys.

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C
Super Sylvain: il y avait longtemps que je n'étais pas venue faire un tour sur ton blog: j'ai lu la dégustation accompagnée de tes œuvres: j'en ai l'eau à la bouche. Je savais déjà que tu cuisinais bien , mais là c'est encore différent: tu te régales dans tous les sens du mot! Je reviendrai demain pour la suite. Bises et bravo!
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